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Clément DELORME

En direct d'une Assemblée Générale (dite "démocratique")

8 Novembre 2007 , Rédigé par Clément Delorme Publié dans #Politique nationale

Amphithéâtre G, Université Lumière Lyon II, Campus de Bron Porte des Alpes
Jeudi 8 novembre 2007, 11h30

ASSISTER A UNE AG

"À Lyon II, je suis étudiant à l'IUT, qui est isolé à l'extrêmité Nord du campus de Bron. Je n'ai pas l'habitude de traverser les couloirs du coeur de la fac, surtout à un moment aussi agité, en plein entre-deux-cours. Je suis bousculé et remué en tous sens, je me fraye un chemin tant bien que mal, pour tenter de trouver un amphi que je ne connais pas.

Si je me donne tout ce mal, et que je prends du temps sur ma pause, c'est parce qu'aujourd'hui, je tiens absolument à assister à une AG, ou Assemblée Générale, de celles dont j'avais tant entendu parler durant "l'épreuve" du CPE, il y a 1,5 an.

DES ARRIÈRES-GOÛTS DE MANIFS ANTI-CPE

Une dizaine de campus sont actuellement bloqués en France, rappelant des arrière-goûts de manifs anti-CPE et, étant présent dans un centre extrêmement puissant de la Gauche étudiante lyonnaise, je souhaitais absolument connaître à quelle sauce j'allais être mangé. Comme tant d'autres, qu'ils soient de droite, favorables à la loi sur l'autonomie des universités ou bien encore, qui se sentent étrangers à tout cela (à tort, d'ailleurs), je serai très probablement bloqué à l'entrée de mes cours dans un futur très proche...

J'accède à l'extrêmité Sud du Campus. L'amphi G apparaît, portes ouvertes, avec de nombreux étudiants à ses abords. Deux d'entre eux distribuent des tracts aux entrants. J'avais déjà reçu dans la matinée un tract UNEF mais ici, il s'agissait de publications d'organisations d'Extrême Gauche anonymes, ou bien à la force militante bien moindre.

Dans cette détestable atmosphère de pantalons bas et de dreadlocks, je me sens mal à l'aise et à l'étroit. Pourtant, ma détermination à assister à cette grand'messe est la plus forte, et je pénètre dans l'antre... Résolu...

"LA MÊME JOIE (...) POUR CHAQUE MANIFESTATION SAUVAGE"

Au premier abord, je découvre un amphithéâtre en bon état, meilleur en tout cas que d'autres du campus, et malgré l'affluence qui commençait à germer, je trouve une place du côté droit (dans le camp gauche d'une Assemblée Parlementaire), à mi-hauteur des gradins. Une fille était déjà assise à ma gauche, qui travaillait posément, malgré le bruit ambiant de la foule ; d'autres s'assirent à ma droite...

Les minutes commencent à s'écouler et, pour m'occuper, je choisis de lire un peu l'un des tracts qui m'avaient été distribués... Dégoûté...
"Il y a la même joie du débordement à l'oeuvre pour chaque manifestation sauvage, dans les occupations de lycées ou de fac (...) la même détermination à s'affronter à l'ordre en place..." Ainsi, ces dénués de cervelle prennent du plaisir à emmerder le monde... Ils revendiquent la sauvagerie de leurs actions et peut-être même n'ont-ils jamais lu la loi et sautent simplement sur l'occasion de mettre la pagaille... Quelle tristesse... Et quelle honte !

LA TRIBUNE

Un bon quart d'heure plus tard, l'amphi est archi comble, la moindre place est occupée et ma voisine de gauche, comme moi-même, avons dû nous décaler... Quatre personnes, apparemment bien étudiants, prennent place, debout, derrière la bureau professoral. Les micros ont du mal à fonctionner.

Je veux m'excuser quant à la précision du récit, mais je n'ai pas retenu leurs noms... Simplement, un garçon gêrerait le temps de parole de chaque intervenant (3 minutes), un autre assurerait le secrétariat au tableau, et une fille accorderait la parole à ceux qui le souhaitent, une seconde fille introduit alors la séance...

À l'introduction de cette Assemblée Générale, quelques règles de séance sont adoptées à main levée, comme le temps de parole, ainsi que la "Tribune".
Je ne savais pas à quoi cela correspondait, mais lorsque cela a été expliqué, je n'en ai pas cru mes oreilles...
J'avertis mes lecteurs que je peux avoir mal compris, et même que je l'espère... Mais voici à quoi correspond la "Tribune" : il s'agit, pour les participants à cette AG (500 personnes selon les estimations, et non 600 comme l'a annoncé la Presse) de décider si oui ou non elle se considère représentative de l'Université ! Disposition adoptée !

Là, je m'arrête... Où vit-on ? 500 personnes des plus radicales et extrêmistes présentes à l'Assemblée Générale pensent représenter les 28.000 étudiants de l'Université Lyon II ?

UNE ASSEMBLEE QUI N'ETAIT PAS LEGITIME

Autre vote amusant (mais d'un rire jaune) : l'autorisation donnée aux journalistes présents de filmer l'AG. La Présidence de l'Université le leur a interdit... C'est cette règle qui doit être reconnue, non celle d'une poignée d'étudiants qui n'ont pas à avoir d'autorité sur cela !
En filmant et photographiant, les journalistes ont légitimé une assemblée qui n'était pas légitime, et ont, de ce fait, commis, outre une faute, une grave défiance envers la Démocratie elle-même !

Rapidement, j'écoute la suite... La séance est lancée... La loi sur l'Autonomie des Universités se résume en une privatisation de l'Université, puisque les Présidents d'Université pourront avoir recours à des financements privés pour financer leurs filières...
Les intervenants, uns à uns, qui ont été presque trous été déjà présélectionnés (la distribueuse de parole lisait une fiche au lieu de désigner les mains levées), reviennent sur tous les inconvénients de cette loi (déjà votée d'ailleurs), qui occasionnerait une disparition de filières non "rentables" pour le Patronat.
Il est à signaler que, effectivement, si des filières telles la Philosophie ou l'Anthropologie, disparaissent, c'est aussi, peut-être, parce qu'elles ne débouchent sur aucun métier... À méditer !

UNE GIGANTESQUE MACHINE À FAIRE DES CHÔMEURS

Je comprends beaucoup de choses désormais et notamment l'objectif pour un grand nombre d'étudiants d'étudier à la fac non pour trouver un travail à la sortie, mais simplement pour y passer du bon temps ! Quelle est la fonction de l'Université ? Aujourd'hui, l'Université est une gigantesque machine à faire des chômeurs !

Si certains intervenants ont dit n'appartenir à aucune organisation syndicale ou politique, beaucoup se sont étiquetés (LCR, LO, UNEF, FSE, divers collectifs communistes locaux, etc...). Je ne veux pas croire que, même à Lyon II, il y ait 90% d'étudiants d'extrême gauche !

IL EST NECESSAIRE QUE L'ETUDIANT SOIT REPRESENTE

Plusieurs autres mesures de la loi sont évoquées, et qui retiennent mon attention de citoyen... Sans prendre part au mécontentement de ces révolutionnaires acharnés (je m'en garde !), je m'interrogeais néanmoins sur la disposition visant à diminuer le nombre de sièges étudiants au Conseil d'Administration (CA), et privilégier les professionnels extérieurs.
Oui, il faut rapprocher les facs des entreprises. Oui, il faut plus étudier pour décrocher un emploi à la fin de son cursus... Mais les affaires courantes et la gestion de l'Université au quotidien ne concernent aucune entreprise ! Il est nécessaire, et même primordial, que l'étudiant, centre du système universitaire, soit représenté, et dignement, à la plus haute instance de l'établissement. C'est ici une question de démocratie.

Dans un effort d'honnêteté, je dois bien reconnaître que cette AG, malgré tout, aura eu la vertu de m'éclairer sur un point. Et je me dis que, si je suis bel et bien contre les blocages et les actions sauvages de cette bande d'illuminés, je suis loin d'être enthousiaste envers la loi Pécresse.

DESARME DEVANT TANT DE FOLIE

Je surveille attentivement ma montre... Je regarde autour de moi... Même si la salle commence à se vider, la foule reste compacte, et des étudiants sont toujours assis sur les marches d'escaliers, entre les rangées...
Un intervenant, blond aux cheveux longs, dit s'inquiéter de voir les gens partir par petits groupes, et exige un vote rapide sur les actions futures... J'avoue espérer qu'il soit entendu... Tellement l'air extérieur me manque et mon ventre se met à crier famine.
Trente minutes plus tard, les commentaires qui s'attardaient sur une loi déjà très commentée, se portent - enfin - sur les actions à mettre en oeuvre. Là, je me sens désarmé devant tant de folie !

La meilleure façon de résumer toutes les intentions des intervenants, trop doués à l'oral pour n'être qu'étudiants anonymes, et trop connus des animateurs pour ne pas avoir été prévus, c'est de dire que la loi sur l'Autonomie des Universités n'est qu'un prétexte. Ce n'est pas Valérie Pécresse, ni même sa loi qui sont visées, mais bel et bien le Président, le Gouvernement, le Libéralisme, l'Ordre.
Toute cette
entreprise n'est que politique, et là est ma crainte, quelles que soient les futures élucubrations de nos chers jeunes.

Pour parachever le tableau, j'avoue avoir été dans un état proche à la fois de la pitié, du choc, du désespoir et de l'hilarité, quand l'un de ces déséquilibrés a indiqué que Sarkozy, élu pour les 5 prochaines années, n'entendrait évidemment pas leurs propositions, et que la meilleure façon d'avancer serait de marcher sur le Pouvoir ! Sous des applaudissements, quand même, faisant fi de l'expression démocratique du suffrage universel !

LA FATALITE "J'AI PAS DE DIPLÔME, J'AI PAS D'EMPLOI" N'EXISTE PAS

Je dois signaler, dans un effort de franchise, que tout ce qui a été dit n'est pas nécessairement apprécié de tous : ça applaudit beaucoup, mais ça hue aussi, des têtes dénèguent et des sifflets se font entendre.

Je veux donner cet exemple, qui m'a interpellé : un étudiant, disant n'appartenir à aucun groupe et qui me semble, ma foi, bien éloigné de la mouvance trotskyste, interpelle un précédent étudiant qui disait que, sans diplôme, c'était le chômage et la précarité qui les attendaient à la sortie. Celui-ci lui donne une réponse qui me plaît...
"Il y en a qui réussissent sans diplôme, car, au-delà des métiers intellectuels, il y a des métiers manuels, dont on aura toujours besoin !"
Cette intervention, trop peu applaudie à mon goût (chose que je tente de rétablir à mon modeste niveau, pour la première fois en cette séance), met en lumière une chose : c'est que le travail paie, que le courage rapporte, et que la fatalité "j'ai pas de diplôme, j'ai pas d'emploi" n'existe pas !

"VOUS NE POUVEZ PAS FAIRE CA !!" "IL Y A UN ORDRE DE PASSAGE !"

Le vote devait approcher, avec la fin de l'AG, mais les intevenants, présélectionnés étaient trop nombreux, et - le diable les emporte - continuent de longuement disserter, tandis que les quatre animateurs pressent les gens de donner des propositions précises afin de les voter.
L'Amphi commence à se vider... Le tableau est presque entièrement rempli... Les esprits s'égarent... Les aiguilles tournent... Le temps de parole est réduit à 1 minute 30...

Mais plus tard, lorsque le Dangereux, qui voulait marcher sur le pouvoir, prend la parole pour proposer un blocage de l'Université, total et illimité lors des deux prochaines semaines à partir de lundi, mon étudiant se lève :
"Vous ne pouvez pas faire ça !!" crie-t-il.
Mais au moment de continuer, la fille chargée d'accorder la parole la lui coupe : "Il y a un ordre de passage ! " Un
ordre de passage ! Celui-là, d'ordre, les arrange bien !
Je me lève, et refuse de rester plus longtemps, outré par ce que je viens de voir, et dégoûté par l'ensemble de ce spectacle abject.
Je me dirige par le haut, droit et imposant, ne cachant rien de mon exaspération. Je me faufile à coups d'"Excusez-moi" et souffle enfin de soulagement en m'extirpant de cette abomination d'amphi G."


Il est 13h15.

Le soir même, j'apprends par la presse que le blocage total a été voté, non sans remous dans l'Amphi. Heureusement, il n'y a pas que de fous illuminés d'Extrême Gauche dans ce monde ! Mais une question persiste dans mon esprit...

Pourquoi n'arrête-t-on pas l'Extrême Gauche ?
Quand on s'insurge de l'Extrême Droite, comment ne pas s'insurger aussi devant une Extrême Gauche, à qui l'on hésite pas à confier des locaux, des salles, afin qu'ils organisent leurs méfaits, leur "lutte", non portée sur un projet de loi pragmatique, mais sur une véritable idéologie...

J'ai peur. Peur de l'avenir et de l'issue que prendra ce conflit naissant... Aujourd'hui, j'ai pris conscience que ces gens ne reculeraient devant rien et sont déterminés... à bloquer le pays !

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J
A lire cet article, je suis partagé entre le rire et l'inquiétude. Le rire parce que ta description de l'assemblée générale est totalement grotesque (et je précise que j'étais présent ce jour-là). L'inquiétude parce que je me dis qu'il y a des chances pour que d'autres étudiants, en raison peut-être de la mauvaise sonorisation de la salle, aient pu faire les mêmes erreurs d'interprétation que toi. Je ne reviendrai pas sur les idées exprimées, mais je me contenterai de faire un petit récapitulatif du mode de fonctionnement des assemblées générales. <br /> Tout d'abord il y a une tribune, constituée de 3 ou 4 personnes, chargée d'organiser les débats. Une personne note les tours de parole, une autre chronomètre les interventions (généralement limitées à 2 ou 3 minutes pour que les débats ne durent pas toute la journée), une troisième est chargée de noter les propositions formulées au cours de l'AG afin de pouvoir les soumettre au vote à la fin des débats. Souvent une quatrième s'occupe de faire une brève introduction. A aucun moment la tribune ne prétend, comme tu le dis dans ton article, être réprésentative des étudiants de la fac (d'ailleurs comment cela serait-il possible ?). Le vote demandé est un vote de confiance. Il s'agit de définir si l'AG reconnaît ces personnes comme aptes à remplir les tâches énumérées plus haut, voilà tout. <br /> Ensuite concernant les prises de paroles, il n'y a pas comme tu le prétends de liste pré-établie. Les personnes souhaitant prendre la parole lèvent la main, le membre de la tribune chargé des tours de parole les note sur une liste (par leur prénom quand il le connaît, sinon une brève description, un signe distinctif) et les appelle quand leur tour arrive. Une fois que toutes les personnes inscrites ont parlé, on peut passer au vote des différentes propositions qui ont été exprimées au cours de l'AG. <br /> Le fonctionnement par tours de parole est contraignant et empêche de pouvoir se répondre directement, mais c'est un mal nécessaire dans une discussion géante à 500, 1000 ou 2000 personnes. D'où la réaction que tu décris quand une personne essaie de prendre la parole sans s'être inscrite au préalable.<br /> Voilà, je suis désolé que tu aies été "dégoûté par se spectacle abject", mais c'est le prix de la démocratie directe.
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